Startups: Gardez contrôle lors de vos levées de fonds!


Carl-Alexandre Robyn est fondateur et CEO du cabinet Valoro  basé à Bruxelles et spécialisé dans l’évaluation des startups et leur montage financier. Il explique dans cet article certains mécanismes de valorisation qu’il faut comprendre pour mener à bien une levée de fonds.


Si vous n’y prêtez suffisamment attention voici une manœuvre des investisseurs qui peut avoir des effets ravageurs.
Vous venez de négocier avec succès un investissement de 1 million d’euros sur base d’une valeur premoney (valeur de la start-up avant l’investissement) de 4 millions d’euros. Triomphant et fier vous revenez au siège de votre société pour raconter à votre équipe que leur dur labeur a créé 4 millions d’euros de valeur.
Vos coéquipiers vous demandent ce que valent leurs parts. Vous expliquez que puisque la jeune pousse a actuellement 3 millions d’actions existantes, les investisseurs doivent les évaluer à 1,33 €/action (4 m € premoney / 3 m actions = 1,33 €/action).
Plus tard, dans la soirée, vous parcourez la term sheet (sorte de lettre d’intention) de vos investisseurs. Et là, stupeur ! Il y est écrit que le prix de l’action est de 1 € l’unité… Cela doit être une erreur ! Au fil de votre lecture, la term sheet indique : « La valorisation premoney de 4 millions d’euros inclut un option pool égal à 20 % de la capitalisation totale après l’investissement. »
 
Vous appelez votre avocat : « C’est  quoi cette embrouille ? »
Et, tandis que votre conseiller vous explique que la soi-disant valeur premoney incorpore toujours un nombre important d’actions non encore émises ni allouées mais destinées aux nouveaux membres de l’équipe et aux employés clés, votre estomac se noue. Vous vous sentez floué et vous vous demandez : « Comment expliquer cela aux membres de l’équipe ? »
La manœuvre des investisseurs consiste donc à s’insinuer et à se couler avec finesse dans votre estimation de ce que vaut financièrement votre start-up en incluant dans votre valorisation premoney l’artifice de l’option pool. Le procédé est subtil parce qu’il est raisonnable d’envisager de payer en actions de la société (via un plan d’intéressement en stock options) les talents, compétences, connaissances et expériences nécessaires au succès de votre entreprise et que vous ne pourrez pas, faute de ressources financières suffisantes, rémunérer aux barèmes du marché. Mais si vous n’êtes pas attentif aux implications de cette ruse, cela vous coûtera un pont en valeur effective perdue.
Vos investisseurs vous ont apparemment offert une valeur premoney de 4 millions d’euros. Mais en réalité, ils ne vous accordent que 3 millions d’euros en valeur pré-investissement qu’ils font coïncider avec votre propre estimation en ajoutant artificiellement des options sur actions nouvelles pour une valeur de 1 million d’euros.
3 m € valeur effective + 1 m € nouvelles options + 1 m € cash = 5 m € postmoney
Ou
60 % valeur effective + 20 % nouvelles options + 20 % cash  = 100 % total
 
Insérer l’option pool dans la valeur premoney a pour effet/objectif de diminuer substantiellement la valeur actuelle de votre start-up de 25 % à 3 millions d’euros.
De même, les nouvelles options diminuent la valeur unitaire des actions déjà émises par votre start-up de 1,33 € à 1,00 € (4 m € premoney / (3 m actions existantes + 1 m nouvelles options) = 1 €/action)
En fin de compte, cette transaction laisse les cofondateurs avec 60 % de la jeune pousse une fois l’investissement apporté, les investisseurs en détiendront 20 %, et il y aura un option pool représentant 20 % de l’entreprise. L’investissement de 1 million d’euros n’a pas entraîné une dilution de 20 % mais bien de 40 % ! Il n’est dès lors pas surprenant que les entrepreneurs détestent cette provision et la combattent autant qu’ils le peuvent.
 
Insérer l’option pool dans la valorisation premoney profite aux investisseurs de trois manières différentes !
D’abord, le mécanisme dilue uniquement les anciens actionnaires. S’il était appliqué dans la valorisation postmoney, l’option pool diluerait proportionnellement à la fois les actionnaires de la première heure et les nouveaux copropriétaires que sont les investisseurs.
Ensuite, l’option pool mange plus de valeur premoney qu’il n’y paraît. L’effet semble plus petit qu’il ne l’est en réalité parce qu’il est exprimé comme un pourcentage de la valeur postmoney même s’il provient de la valeur pré-investissement. Dans notre exemple, l’option pool est de 20 % du capital social postmoney, mais en réalité de 25 % du premoney (1 m € nouvelles options / 4 m € premoney = 25 %).
Enfin, si vous vendez la société avant d’avoir consumé l’entièreté de l’option pool ou avant d’avoir recours à une seconde levée de fonds, toutes les options sur actions nouvelles inutilisées seront annulées. Cette relution (phénomène inverse de la dilution) profite proportionnellement à toutes les catégories d’actionnaires (anciens et nouveaux), même si les actionnaires anciens ont, eux, fait les frais de toute la dilution initiale. En d’autres mots, au moment de la sortie, une part de la valeur premoney va dans les poches de l’investisseur.
Si l’option pool est une fatalité incontournable, la parade pour l’entrepreneur consiste à devancer les arguments de l’investisseur en créant l’option pool le plus petit possible et pour cela il suffit d’établir minutieusement un plan d’embauche souple et cohérent.
D’abord, demandez à vos investisseurs pourquoi ils pensent que l’option pool devrait être de 20 % du postmoney ? Voici un éventail de réponses classiques de la part des capitaux-risqueurs : « Cela devrait nous couvrir pour les prochains 12 à 18 mois. » Ou « Cela devrait nous couvrir jusqu’à la prochaine levée de fonds. » Ou encore « C’est la procédure standard », mais ceci n’est pas une réponse acceptable.
Ensuite, établissez un plan d’embauche pour les 12 mois à venir. Ajoutez les options dont vous aurez besoin pour rémunérer les personnes clés qui devront être recrutées. Presque certainement, le total sera bien moindre que les 20 % du postmoney préconisés par les capitaux-risqueurs. Maintenant présentez votre plan aux investisseurs : « Selon votre propre raisonnement nous avons déterminé que nous n’avons besoin que d’un option pool de 10 % pour nous couvrir lors des 12 prochains mois. »
 
Réduire l’option pool de 20 % à 10 %, accroît la valeur effective de la jeune pousse de 3 m € à 3,5 m € :
3,5 m € valeur effective + 0,5 m € nouvelles options  + 1 m € cash  = 5 m € postmoney
Ou
70 % valeur effective + 10 % nouvelles options  + 20 % cash = 100 % total
Quelques heures passées à établir un plan d’embauche cohérent accroît le prix de vos actions de 17 % à 1,17 €/action (3,5 m € valeur effective / 3 m actions existantes = 1,17 €/action).


Kokou Adzo

Kokou is a fervent advocate for the seamless fusion of business and technology, he has always been at the forefront of innovation. Graduating from two esteemed European institutions, the University of Siena in Italy and the University of Rennes in France, he mastered the nuances of Communications and Political Science. With a diverse educational background, Kokou consistently offers insights that reflect his deep understanding of the modern digital landscape shaped by both commerce and governance. Those who have the privilege to read his pieces or collaborate with him are invariably inspired by his vision of a world where business meets tech not just at the crossroads of necessity but at the pinnacle of innovation.

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